Départ en Ehpad : quel statut fiscal pour l’ancienne résidence principale ?

Départ en Ehpad : quel statut fiscal pour l’ancienne résidence principale ?

Publié le : 27/06/2025 27 juin juin 06 2025

La question
À quelles conditions l’immeuble occupé à titre de résidence principale par une personne qui entre en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peut-il conserver cette qualification au regard du droit fiscal ?

La réponse
L’entrée en Ehpad ne fait pas immédiatement perdre à l’immeuble ayant jusque-là constitué la résidence principale du contribuable cette qualification. Les exonérations et abattements qui s’y attachent demeurent, sous certaines conditions, applicables tant en matière d’impôt sur la plus-value immobilière qu’en matière de droits d’enregistrement.

La résidence principale est définie par le droit fiscal comme étant le lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année. Il s’agit d’une question de fait qu’il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Il doit s’agir de la résidence effective du contribuable (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n°s 30 et 40). Formulés au sujet de l’impôt sur la plus-value immobilière des particuliers, ces critères se retrouvent en matière de droits d’enregistrement (BOI-PAT­ IFI-20-30-20 n° 50 pour l’IFI et BOI-ENR-DMTG-10-40-10-30 N 20 et 20 pour les droits de succession).

L’installation, durable ou permanente, d’une personne âgée dans un Ehpad ou dans un établissement équivalent est donc de nature à modifier le lieu de résidence prin­cipale du contribuable : l’Ehpad devient sa nouvelle résidence principale et le logement qu’il occupait jusque-là perd ce statut.

Placement en Ehpad et impôts directs locaux

Le Code général des impôts (CGI) prévoit le maintien de cer­tains avantages en matière d’impôts directs locaux. La plupart d’entre eux est conditionnée au fait que le contribuable conserve la jouissance de son ancienne résidence principale ou que celle-ci demeure occupée par l’autre conjoint ou une personne à charge qui y habitait déjà avant l’entrée en Ehpad du contribuable.

Ainsi, en matière de taxe d’habitation, l’ancienne résidence principale demeure exonérée en tant que telle pendant l’année au cours de laquelle le contribuable entre en Ehpad. Pour les années suivantes, l’exonération se fonde sur l’article 1414 B du CGI. L’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont peuvent bénéficier les personnes âgées de plus de 75 ans ou le dégrèvement de 100 € de cette taxe au profit des personnes âgées de plus de 65 ans s’appliquent dans les conditions de droit commun au logement qui constituait, avant l’entrée en Ehpad, la résidence principale du contribuable ( CGI art. 1391 B et art. 1391 B bis).

Placement en Ehpad et impôt sur le revenu

L’article 199 quindecies du CGI institue une réduction d’impôt au profit du contribuable placé en Ehpad et qui supporte des dépenses liées à sa dépendance.
Cette réduction s’applique aux frais de dépendance et d’héber­gement effectivement supportés au cours de l’année d’imposi­tion et après déduction des aides ou allocations versées (APA, aides versées au titre des dépenses de dépendance ou d’hé­bergement) à la personne elle-même ou directement à l’établissement en tiers payant. Elle est de 25 % des dépenses réa­lisées, retenues dans la limite annuelle de 10 000 € par personne hébergée.
Elle n’est accordée qu’aux personnes phy­siques ayant en France métropolitaine ou dans un département d’outre-mer leur domicile fiscal. Les non-résidents, qui ne sont taxés en France qu’à raison de leurs revenus de source française, ne peuvent pas en bénéficier. Toutefois, les non-résidents « Schumacker » au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne peuvent, toutes conditions étant par ailleurs remplies, en bénéficier (BOI-IR-RICI-140 n° 20).

La pratique notariale invite à revenir plus précisément, d’une part, sur les conditions de maintien de l’exonération de la plus-value immobilière en cas de vente de l’ancienne résidence principale et, d’autre part, sur ses incidences en matière de droits de succession.

Fiscalité de la plus-value de vente de l’ancienne résidence principale

La vente de l’immeuble ayant constitué la résidence principale d’une personne placée en Ehpad est susceptible de générer une plus-value immobilière taxable dans les conditions de droit commun. L’exonération attachée à la cession de la résidence principale prévue à l’article 150 U, II-1° du CGI suppose de démontrer que l’immeuble vendu constitue la résidence prin­cipale du vendeur au jour de la cession (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 ° 180). Parmi les nombreux tempéraments à ce principe, deux doivent être évoqués. Immeuble occupé jusqu’à sa mise en vente. Le premier tem­pérament, qui n’est pas réservé aux personnes placées en Ehpad, relève d’une tolérance administrative. L’administration fiscale admet que l’exonération reste acquise lorsque le bien vendu a été occupé à titre de résidence principale jusqu’à sa mise en vente dès lors que deux conditions sont remplies.
D’une part, la cession doit intervenir dans un délai normal après la mise en vente, la doctrine administrative précisant que dans un contexte économique normal, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. D’autre part, le bien ne doit pas avoir été, pendant la période de mise en vente, ni donné en location, ni occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou par des tiers (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n° 190). Ancienne résidence principale d’une personne placée en Ehpad. Le second tempérament repose sur l’exception prévue à l’article 150 U, II-1 ° ter du CGI. Ce texte dispose que la plus-­value réalisée par des personnes âgées hébergées en Ehpad lors de la cession de leur ancienne résidence principale est exonérée sous conditions.
D’abord, le cédant ne doit pas avoir été passible de l’IFI au titre de l’avant-dernière année qui précède celle de la cession (soit 2022 pour les cessions intervenant en 2024) ni avoir disposé, au titre de cette même année, d’un revenu fiscal de référence supérieur au seuil fixé par l’article 1417, II du CGI (pour les cessions réalisées en 2024, ce seuil est fixé à 27947 € pour la première part de quo­tient familial majoré de 6530 € pour la pre­mière demi-part et 5140 € pour chaque demi-part supplémentaire). Ensuite, le bien ne doit avoir fait l’objet d’auc­une occupation depuis le départ du contri­buable, à titre gratuit ou onéreux. Par dérogation, l’exonération n’est pas remise en cause lorsque les membres du foyer fiscal du cédant ( conjoint ou personnes à charge) ou son concubin, qui résidaient dans le logement au jour de son départ, ont continué à occuper le logement alors même que le cédant n’y réside plus (BOI-RFPI-PVI-10-40-20 n° 90). Enfin, la cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’accueil en Ehpad, même si l’immeuble ne constitue plus la résidence principale du contribuable au jour de l’entrée dans l’établissement, du fait par exemple d’un hébergement chez des proches (BOI précité n° 80). Il importe peu ici que, lors de son entrée en Ehpad, le contribuable pensait que son placement ne serait que temporaire (TA Cergy-Pontoise 19-9-2022 n° 2202432).

 À NOTER

Le bénéfice de ces deux tempéraments suppose que le bien soit demeuré vacant, avec le risque de devoir payer la taxe sur les logements vacants après un an de vacance. Il est perdu si, pour financer le placement en Ehpad, l’immeuble a été dans un premier temps loué. Un arbitrage fiscal et financier doit être rapidement fait pour déterminer la meilleure solution.

Placement en Ehpad et droits de succession

En matière de droits de succession, l’entrée d’une personne en Ehpad soulève trois questions.

Exonération de certains frères et sœurs. Les frères et sœurs, ayant vécu avec le défunt, peuvent-ils bénéficier, toutes les autres conditions étant présumées remplies, de l’exonération de droits de succession prévue par l’article 796-0 ter du CGI? Cet article exige que l’héritier ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq ans ayant précédé le décès. Lorsque le logement commun est quitté pour raison de santé (hospitalisation, placement en maison médicalisée, etc.), l’administration fiscale admet que le bénéfice de l’exonération soit conservé. Dans cette hypothèse, il convient de se placer à la date de ce départ pour apprécier la condition de cohabitation
effective pendant cinq ans (BOI-ENR-DMTG-10-20-10 n ° 50). Aucune dérogation n’est admise quant à ce délai.
Le placement du défunt en Ehpad ne fait donc pas obstacle à l’application de cette exonération dès lors qu’il peut être justifié, par tout moyen, que la condition de cohabitation effective pendant cinq ans était remplie au moment de l’entrée en Ehpad et que cette dernière s’est faite pour raisons médicales et non pas par choix.

 À NOTER

Le bénéfice de cette exonération ne dispense pas du dépôt : d’une déclaration de succession dès lors que l’actif brut successoral excède 3 000 € ( CGI art. 8OO).

Forfait mobilier. L’hébergement en Ehpad n’est pas à lui seul suffisant pour écarter l’application du forfait de 5 % prévu à l’article 764 du CGI. En effet, la doctrine administrative indique que le fait que le défunt était pensionnaire dans une maison de retraite ne fournit pas, à lui seul, la preuve de l’inexistence de meubles meublants. Elle admet toutefois que l’hébergement en Ehpad doit être pris en considération s’il est corroboré par d’autres éléments tels que, notamment, l’attestation du directeur de l’établissement que le défunt utilisait les meubles de la maison
de retraite, l’abandon de la location ou la cession du domicile antérieur (BOI-ENR-DMIG-10-40-10-20 n ° 110).
Il faut que les héritiers prouvent que le défunt n’avait pas conservé son ancienne résidence principale et que le mobilier qui s’y trouvait a lui-même été dispersé. C’est là une question de fait qui peut être prouvée par tout moyen (mentions de l’acte de vente, facture d’un brocanteur, attestation d’une association certifiant avoir récupéré le mobilier, etc.).

Abattement de 20% sur l’ancienne résidence principale. Par dérogation au principe d’imposition des biens sur leur valeur vénale, il est effectué un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, ce bien est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant, par le partenaire lié au défunt par un Pacs ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt, de son conjoint ou de son partenaire (CGI art. 764 bis).
L’administration fiscale n’envisage que le cas d’un abandon provisoire, pour raison médicale, de la résidence principale et précise que l’appréciation de la condition tenant à la qualification de résidence principale et à l’occupation effective du bien au jour du décès est effectuée avec bienveillance (BOI-ENRDMTG- 10-40-10-30 n ° 70). Elle ne se prononce pas en revanche sur le cas d’une entrée en Ehpad à titre durable ou permanent.
Il semble que, par analogie avec les solutions retenues en matière d’impôts locaux ou d’IFI, le bénéfice de l’abattement soit maintenu pendant l’année qui suit l’entrée en Ehpad et qu’au-delà de cette première année, il soit perdu ce qui, en cas de vente du bien dégageant une plus-value immobilière imposable, n’est pas forcément une mauvaise chose !

 LE CONSEIL

Le droit fiscal prévoit des mécanismes qui atténuent les conséquences du changement
de résidence principale après une entrée en Ehpad. Mais beaucoup sont soumis à des conditions
strictes. Le conseil du notaire est le bienvenu pour aider l’intéressé et ses proches à arbitrer au mieux
entre vente ou location de l’ancienne résidence principale. Il pourra aussi leur indiquer les justificatifs
à conserver dans la perspective d’un éventuel contrôle fiscal.

Sources : Solution Notaire Hebdo / 5 décembre 2024 / N°40

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